Par Laurent Giordano.
«Pratiquer une médecine non conventionnelle (MNC) n’est pas aisé juridiquement parlant», explique Isabelle Robard, avocate spécialisée en droit de la santé. «D’un côté, des professionnels de santé peuvent, sous certaines conditions, enrichir leur pratique de MNC, mais ils sont parfois poursuivis par l’ordre des médecins pour thérapeutique insuffisamment éprouvée ou charlatanisme! De l’autre, des praticiens non médicaux ni paramédicaux, ayant une activité qui peut, parfois, être considérée comme médicale, sont de temps à autre poursuivis pour exercice illégal de la médecine. L’absence de réglementation claire favorise les litiges.»
Les pratiques les plus courantes
Mais alors, qui peut faire quoi au regard de la loi? Voici un aperçu, non exhaustif, de la situation pour les MNC les plus courantes.
● L’acupuncture ne peut être exercée légalement que par les médecins et les sages-femmes ayant obtenu un diplôme universitaire (DU) ou interuniversitaire (DIU) délivré par de nombreuses facultés de médecine.
● L’homéopathie est réservée aux médecins, sages-femmes, dentistes et vétérinaires titulaires d’un diplôme délivré par une université ou un institut agréé par l’État. Les pharmaciens peuvent suivre le cursus et obtenir un certificat en homéopathie. Ils peuvent conseiller, mais pas prescrire.
● L’ostéopathie et la chiropraxie. Médecins, kinésithérapeutes, sages-femmes et infirmiers ont accès à un diplôme d’ostéopathie (DO) délivré par des universités ou des instituts agréés. C’est un titre mais pas un diplôme d’État.
● Le «toucher thérapeutique» ou massage relationnel peut être pratiqué par les kinésithérapeutes, les infirmières et les psychomotriciens, sans condition de diplôme.
● Pour l’hypnose, il existe de nombreuses formations universitaires et un institut privé (l’Institut français d’hypnose) dédié aux personnels de santé, mais aucune formation ni diplôme d’État ne sont exigés, alors que la jurisprudence considère l’hypnose comme un acte médical!
L’ordre des médecins attentif
Cette situation absurde est le lot de nombreuses MNC. Heureusement, en l’absence d’encadrement légal ou réglementaire, les syndicats et associations de mésothérapeutes, sophrologues... s’organisent par eux-mêmes en créant des formations et diplômes ad hoc. Mais rien n’est officiellement reconnu par l’État.
Pour les médecins, la pratique reste risquée. Moins une thérapie non conventionnelle a fait ses preuves scientifiques, plus l’ordre des médecins sera attentif. Pour un médecin, par exemple, l’acupuncture est moins risquée que l’ozonothérapie (traitement par de l’ozone à faible concentration). «Plusieurs ozonothérapeutes ont été poursuivis pour charlatanisme en France, alors qu’en Allemagne leurs actes sont remboursés par la Sécurité sociale», explique Me Isabelle Robard. Des pratiques courantes, telle l’homéopathie, peuvent aussi déboucher sur des poursuites. En 2007, une homéopathe célèbre a été condamnée pour charlatanisme.
Au final, les non soignants sont les plus attirés par l’exercice des MNC alors que la réglementation n’a quasiment rien prévu pour eux. Seule la pratique de l’ostéopathie et de la chiropraxie a été légalisée par la loi Kouchner de 2002. Pour les autres praticiens plane le risque d’exercice illégal de la médecine. Certains baignent clairement dans l’illégalité. D’autres sont sur le fil du rasoir. Ils s’affichent comme experts du bien-être, alors que leurs pratiques sont clairement du soin.
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